déc 24

Conseil constitutionnel: une sagesse de classe

Rejoint par l’ancien premier ministre Lionel Jospin, le Conseil constitutionnel « est devenu au fil des ans un verrou conservateur qu’il faudra un jour ou l’autre faire sauter », estiment Jeanne Chevalier et Clément Sénéchal, membres de la commission pour la Constituante et la VIe République du Parti de Gauche, pour mettre en œuvre « la transparence et la démocratisation de la justice constitutionnelle ».

 

Alors que l’appartenance d’un futur candidat à la présidentielle, Nicolas Sarkozy, à l’instance chargée de contrôler les comptes de campagne fait débat, de même que la récente nomination en son sein de Lionel Jospin, inventeur de la monarchie quinquennale (qui n’a fait qu’accroître le présidentialisme mortifère de la Vème République), laisse pantois, la fonction et le poids du Conseil constitutionnel sur la vie politique du pays doit nous interroger. Notamment parce qu’il est devenu au fil des ans un verrou conservateur qu’il faudra un jour ou l’autre faire sauter.

Rappelons d’abord que dans l’esprit des révolutionnaires français, le contrôle du respect des droits de l’homme par la loi revenait à l’ensemble des citoyens. La Constitution de 1791 remettait ainsi la garantie des droits qu’elle énonçait « à la vigilance des pères de famille, aux épouses et aux mères, à l’affection des jeunes citoyens et au courage de tous les Français » (Titre VII, article 8 de la Constitution de l’an 1791). Plus de deux siècles plus tard, le contrôle constitutionnel s’est déplacé vers les sphères élevées de l’État et le travail du législateur se trouve désormais régulièrement soumis aux « sages » réunis dans le Conseil constitutionnel. Si l’Etat de droit ne s’est pas vu renforcé par cette mutation, en revanche la démocratie et le progrès social en ont été réellement affectés.

La prise du pouvoir du comité des sages

L’existence même du Conseil constitutionnel dans sa forme actuelle est contestable. D’abord, outre les anciens présidents de la République (membres de droit à vie), le Conseil constitutionnel est composé de neuf membres nommés par le président de la République et les présidents des chambres parlementaires, c’est-à-dire par des personnalités bien fondues dans le marbre des institutions de l’ordre existant et en bonne grâce avec le pouvoir établi. Ensuite, il s’avère qu’avec le temps, le ci-devant « comité des sages » a largement outrepassé ses prérogatives initiales. Créé par Charles de Gaulle avec la Constitution de 1958, le Conseil constitutionnel se voit à l’origine chargé de contrôler les lois au regard des seuls articles du texte constitutionnel, c’est-à-dire des normes bâtissant l’architecture institutionnelle de la République et traçant les grands traits de son fonctionnement. Or, cette volonté initiale a été rompue par un véritable « coup d’Etat de droit », pour reprendre l’expression du juriste Olivier Cayla. En effet, par leur décision Liberté d’association de 1971, les juges du Palais-Royal ont unilatéralement choisi d’élargir leur contrôle de constitutionnalité au Préambule de la Constitution de 1958, ainsi qu’à la Déclaration des droits de l’Homme et du Citoyen de 1789 et au Préambule de la Constitution de 1946 auxquels celui-ci fait référence. Ce faisant, l’institution chargée du contrôle de constitutionnalité a considérablement élargi son pouvoir, au mépris du texte constitutionnel lui-même.

L’intégration de ces nouveaux textes au contrôle de constitutionnalité devait ainsi amener le juge constitutionnel à veiller à ce que les lois votées par le Parlement soient en adéquation avec des libertés et droits fondamentaux consignés dans l’ensemble de ces textes, dit « bloc de constitutionnalité », auquel est venu s’ajouter la Charte de l’environnement en 2004. En apparence, la France se rapprochait ainsi d’autres modèles européens de justice constitutionnelle. Toutefois, à l’inverse des Constitutions allemande ou italienne par exemple, la DDHC de 1789 et le Préambule de 1946 présentent la particularité d’énumérer des libertés très abstraites, aux contours comme aux implications fortement indéterminés. Le juge constitutionnel français est donc amené à se prononcer à partir d’un cadre normatif impressionniste. En outre, ses textes de référence sont d’inspiration presque antithétique : la libérale Déclaration des droits de l’homme consacre notamment le droit à la propriété et à la sûreté, tandis que le Préambule de 1946 met quant à lui l’accent sur les droits sociaux et collectifs.

Des décisions contradictoires, réactionnaires souvent

Dans ces conditions, le Conseil constitutionnel peut naviguer à vue ou se laisser aller à son arbitraire. En 2009, il a ainsi rejeté le droit pour l’administration de supprimer l’accès d’un particulier à Internet prévu par la loi Hadopi alors que, l’année précédente, il n’avait pas censuré la loi relative à la rétention de sûreté. Cette loi prévoite l’application de mesures privatives de liberté à des individus non pour des faits qu’ils auraient commis, mais pour le danger qu’ils représentent. Elle va à l’encontre de l’ensemble des règles régissant normalement le droit pénal et constitue une grave atteinte à l’Etat de droit. La formule lancée en 1981 par le juriste Jean Rivero selon laquelle, en matière de libertés publiques, le Conseil constitutionnel « filtre le moustique et laisse passer le chameau » est donc encore tout à fait d’actualité.

Dans le domaine économique, le Conseil constitutionnel se montre constant dans sa défense de l’ordre établi et des intérêts acquis. En 1982, face à l’Assemblée nationale fraichement élue au suffrage universel, il avait censuré la première loi de nationalisation. En 2012, à la suite de l’élection de François Hollande, il a censuré les rares mesures économiques constituant des marqueurs « de gauche ». Il en est ainsi de l’impôt de 75 % sur la tranche des revenus supérieurs à un million d’euros ou de la « loi Florange » visant à préserver les emplois industriels. Sur le cas Florange, le juge constitutionnel a été sourd à la volonté du législateur de préserver le droit à l’emploi, pourtant de valeur constitutionnelle. Il lui a sans surprise préféré le droit de propriété et la liberté d’entreprendre.

Enfin, le Conseil constitutionnel ne protège nullement la souveraineté populaire, elle aussi consacrée par la Constitution. Malgré le « non » français au référendum de 2005, il n’a rien trouvé à dire face à la reprise du projet de Constitution européenne dans des termes quasi-identiques par le traité de Lisbonne. Pendant ce temps, les juges allemands de la Cour constitutionnelle de Karlsruhe fustigeaient pour leur part les lacunes démocratiques du projet européen.

Ramener la constitutionnalité vers le peuple politique

Aujourd’hui, le Conseil constitutionnel apparaît donc comme un organe tourné contre le peuple. Issu d’un coup de force, sa pérennité repose sur un véritable « acte de foi » : des « Sages » non élus seraient plus aptes que le législateur à interpréter des droits aux conséquences univoques du point de vue du droit positif. Or, tant dans leur définition précise que dans leur pratique, les droits fondamentaux relèvent immanquablement de choix politiques ! Le père de la justice constitutionnelle, Hans Kelsen, mettait d’ailleurs en garde contre le risque de gouvernement des juges lié à des normes constitutionnelles trop floues.

Un approfondissement de la démocratie dans le cadre d’une 6e République doit ainsi ramener dans le champ politique ce qui lui revient. Dans cette optique, les constituants devront viser l’exhaustivité dans la définition des libertés fondamentales et de leurs répercussions concrètes. Ils pourront s’inspirer de la Constitution vénézuélienne, qui proclame que le droit à l’éducation implique l’existence d’un service public gratuit, d’investissements prioritaires ou encore un niveau de vie pour les professeurs correspondant à la « mission élevée » qui est la leur.

Le contrôle de constitutionnalité des lois doit quant à lui concilier l’affirmation du caractère politique des droits fondamentaux avec la solennité maximale qui doit entourer leur garantie. Une loi déclarée inconstitutionnelle pourra ainsi, si le Parlement s’y tient, entraîner une procédure lourde de révision de la Constitution si elle concerne un droit fondamental d’« application » ; elle sera en revanche bloquée définitivement si elle menace un droit comme le refus de l’esclavage.

L’illusion de la neutralité d’un conseil des « Sages » devra finalement être rompue et remplacée par la restauration du principe contradictoire, garanti par un comité idéologiquement pluriel et relié organiquement à la société par l’élection. La transparence et la démocratisation de la justice constitutionnelle sont essentielles pour renouer avec l’idéal révolutionnaire et faire reposer, en dernière instance, la protection des droits humains sur la vigilance permanente de tous.

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